Dans le monde, 33 % des entreprises sont dirigées par des femmes. Cependant, cette proportion varie selon les régions : 23 % au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 18 % en Asie du Sud, 29 % en Afrique subsaharienne et 50 % en Amérique latine et dans les Caraïbes (Banque Mondiale, 2020). Dans les pays en développement, en particulier, les femmes se tournent majoritairement vers la création de très petites entreprises ou de micro-entreprises, dont le potentiel de croissance est souvent limité.
La quatrième révolution industrielle, avec son potentiel d’innovation technologique, pourrait transformer ce paysage en renforçant les capacités de croissance de ces micro-entreprises féminines grâce à l’Intelligence Artificielle (IA). L’IA a le potentiel de moderniser les pratiques commerciales et d’améliorer l’efficacité des petites entreprises. Toutefois, son intégration soulève aussi des questions d’accessibilité, d’équité et de risques pour les femmes entrepreneurs. Pour appréhender pleinement l’impact de l’IA sur ces entreprises, il est pertinent d’explorer à la fois les avantages et les défis qu’elle présente.
L’IA comme Outil de Modernisation et d’Amélioration des Micro-Entreprises
L’IA offre des opportunités inédites pour les femmes très petites commerçantes dans les pays en développement. Grâce à l’IA, ces commerçantes peuvent automatiser les tâches répétitives telles que la gestion des stocks, la comptabilité et les ventes. Par exemple, des applications mobiles basées sur l’IA peuvent suivre les transactions quotidiennes, analyser les tendances de vente et prédire les besoins en stock, ce qui permet aux commerçantes de prendre des décisions informées et d’optimiser les opérations. Ces outils contribuent à améliorer l’efficacité opérationnelle et à réduire les coûts, ce qui est important pour les micro-entreprises opérant souvent avec des marges de profit très faibles.
Sur le plan économique, l’IA peut également aider les femmes commerçantes à accéder à de nouveaux marchés et à gérer leur activité. Les plateformes de commerce en ligne, soutenues par des algorithmes d’IA, permettent à ces micro-entreprises de vendre leurs produits à une clientèle plus large, au-delà de leur quartier ou de leur village. Cela ouvre de nouvelles opportunités de croissance et peut accroître considérablement leurs revenus. De plus, l’IA peut être utilisée pour analyser les préférences des consommateurs et adapter les offres de produits en conséquence, ce qui améliore la compétitivité des micro-entreprises dirigées par les femmes sur le marché.
Du point de vue social, l’IA a le potentiel de renforcer l’autonomisation sociale des femmes en tant qu’entrepreneuses. En utilisant des outils d’IA pour gérer leurs entreprises, les femmes peuvent gagner en indépendance financière et en confiance en elles. L’accès à des ressources éducatives et de formation en ligne, souvent soutenues par l’IA, permet également à ces commerçantes d’améliorer leurs compétences entrepreneuriales, ce qui est essentiel pour surmonter les défis liés à l’exploitation de micro-entreprises dans des environnements souvent hostiles.
Les Risques et Défis de l’IA pour les micro-entreprises dirigées par des femmes
Malgré ces avantages, l’adoption de l’IA dans la gestion des micro-entreprises dirigées par les femmes dans les pays en développement n’est pas sans défis. Le premier défi est l’accessibilité. Dans de nombreux pays en développement, l’accès à la technologie de manière générale reste limité par manque d’infrastructures technologique et énergétique, mais aussi, par des facteurs culturels, éducatifs, économiques et géographiques. Les femmes commerçantes, en particulier dans les zones rurales, peuvent ne pas avoir accès aux outils nécessaires ou ne pas posséder les compétences numériques leur permettant d’utiliser efficacement l’IA. Cette inégalité d’accès risque d’accentuer les écarts entre les entreprises qui peuvent tirer parti de l’IA et celles qui ne le peuvent pas, créant ainsi une nouvelle forme d’exclusion numérique.
Le second défi est lié aux coûts d’intégration de l’IA dans les micro-entreprises. Bien que l’IA puisse à long terme réduire les coûts opérationnels, l’investissement initial dans les technologies d’IA peut être prohibitif pour de nombreuses très petites entreprises. Cela inclut non seulement le coût des logiciels et des appareils nécessaires, mais aussi le temps et les ressources nécessaires pour se former à leur utilisation. Sans un soutien financier et technique adéquat, l’adoption de l’IA pourrait rester hors de portée pour celles qui en auraient réellement le plus besoin.
Enfin, l’IA pose des questions éthiques et de sécurité. L’utilisation de l’IA dans les micro-entreprises implique la collecte et l’analyse de données personnelles et commerciales sensibles. Les très petites entreprises dirigées par les femmes peuvent être exposées à des risques de sécurité, notamment des violations de la vie privée ou des cyberattaques. De plus, il existe un risque que les algorithmes d’IA perpétuent ou exacerbent les biais existants, ce qui pourrait désavantager les femmes dans leurs activités commerciales.
Vers une Adoption Inclusive et Sécurisée de l’IA
Pour que l’IA devienne un véritable moteur de croissance pour les très petites entreprises dirigées par les femmes dans les pays en développement, il est important de mettre en place des stratégies inclusives et sécurisées. Les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les institutions internationales doivent collaborer pour garantir que ces technologies soient accessibles et adaptées aux besoins spécifiques des très petites entreprises dirigées par des femmes.
Organiser les programmes de renforcement des capacités et de sensibilisation pour permettre aux femmes entrepreneures de comprendre et d’utiliser l’IA de manière efficace. Ces programmes devraient être conçus en tenant compte des réalités locales, avec un accent sur l’alphabétisation numérique et la formation pratique. En outre, des initiatives de financement, telles que des subventions ou des prêts à faible intérêt, pourraient être mises en place pour aider les commerçantes à couvrir les coûts initiaux d’intégration de l’IA dans leurs entreprises.
Il est également important de développer des cadres réglementaires et des politiques de protection des données robustes pour protéger les commerçantes contre les risques associés à l’utilisation de l’IA. Cela inclut la mise en place de standards de sécurité pour les applications et plateformes d’IA utilisées dans le commerce, ainsi que des politiques visant à garantir que les algorithmes sont équitables et transparents.
Conclusion
L’intégration de l’IA dans les micro-entreprises dirigées par des femmes dans les pays en développement, offre des perspectives intéressantes pour améliorer leur efficacité, leur compétitivité et leur autonomie économique. Toutefois, pour que ces bénéfices se réalisent pleinement, il est nécessaire de surmonter les défis liés à l’accessibilité, au coût et à la sécurité. Avec les politiques et initiatives appropriées. L’IA peut devenir un outil puissant pour soutenir le développement des micro-entreprises dirigées par les des femmes contribuant à réduire la pauvreté et les inégalités économiques observées entre les hommes et les femmes dans les pays en développement.
Recommandations Politiques
- Mettre en place des programmes d’infrastructure visant à améliorer l’accès à Internet et aux technologies numériques dans les régions sous-desservies.
- Développer les politiques de protection des données et des standards de sécurité spécifiques aux applications d’IA utilisées par les micro-entreprises.
- Travailler en synergie avec les organisations de la société civile et les ONG pour la démocratisation de l’IA.
- Renforcer l’accès aux financements des micro-entreprises dirigées par des femmes à travers des subventions et des prêts à taux d’intérêt faible ou nul pour stimuler l’adoption de l’IA ; accompagnés de programmes de formation adaptés.
- Organiser des campagnes de sensibilisation, des séminaires de renforcement des capacités et des formations professionnelles des femmes dirigeantes des micro entreprises, et supporter la création d’incubateurs afin de les doter des compétences nécessaires à l’usage de l’IA dans la gestion des taches courantes de manière sécurisée dans leur organisation (gestion des stocks, la gestion de la comptabilité et des ventes).
Mots-clés : Intelligence Artificielle, Microentreprises dirigées par des femmes, Pays en développement, Inclusion numérique, Autonomisation économique, Innovation, Entrepreneuriat.
Par Georges Ngnouwal et Blaise Ondoua Beyene
Associés de recherche S4ICE
